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Traité de Gülistan

Traité de Gülistan

Traité de paix et d’amitié perpétuelle, conclu entre l’empire de Russie et celui de Perse, le 12 Octobre 1813, dans le camp Russe, sur la rivière de Seiwa dans le Gülistan, par les plénipotentiaires nommés à cet effet par les deux parties, et qui a été confirmé le 15 Septembre 1814, à Tiflis par les plénipotentiaires respectifs, au moyen de l’échange des ratifications des deux monarques.

S.M.I. très-haut et très-puissant prince, Empereur et autocréateur de toutes les Russies, et S. M. le Padischah, dominateur et souverain de la Perse, désirant sincèrement, par amour pour leurs sujets respectifs, mettre fin aux maux de la guerre si affligeants pour leur coeur, et rétablir sur un fondement solide une paix sûre et les relations d'amitié et de bon voisinage, qui ont subsisté dès les temps anciens entre les empires russe et persan, ont jugé à propos de nommer pour cet acte juste et bienfaisant leurs plénipotentiaires, savoir:

S. M. l’Empereur de toutes les Russies: S. Exe. Nicolas Rtischtschew son lieutenant général, commandant en chef des troupes de Grusinie et de la ligne du Caucase, commandant de la flottille de la mer Caspienne, chevalier des ordres de S. Alexander Newsky, de St. Anne 1ère classe, de St. George 4e classe, et propriétaire d'un sabre d'or portant cette inscription : pour la bravoure.

S. M. le Schach de Perse : son ministre distingué et très -honoré Mirza Abdoul Hassan Chan, qui a été envoyé extraordinaire près les cours de Turquie et d'Angleterre, choisi entre tous les généraux persans, le ministre le plus affidé de son souverain, conseiller des affaires privées de la haute cour de Perse, descendant d'une famille de Visir, Chan de la 2e classe à la cour de Perse, et possédant les marques les plus distinguées de faveur qui consistent en un poignard, en un sabre ornés de diamants, des vêtements et Schawls garnis de diamants, ainsi qu'un harnois dans le même genre.

En conséquence, nous, les plénipotentiaires ci-dessus nous nous sommes réunis sur le territoire Karabagh dans le Gulistan près la rivière de Seiwa, et après avoir échangé nos pleins pouvoirs , et examiné mûrement tout ce qui avait rapport à l'affermissement de la paix et des relations d'amitié à conclure au nom de nos deux grands monarques, nous avons réglé et confirmé pour toujours les articles suivants:

Art. I. Les hostilités et la mésintelligence qui ont eu lieu jusqu'ici entre les empires russe et persan cessent dès à présent par ce traité, et il y aura à perpétuité paix, amitié et bonne intelligence entre S. M. l'autocrateur de toutes les Russies, et S. M. le Schach de Perse, leurs héritiers et successeurs, et leurs gouvernements respectifs.

Art. II. Comme il a déjà été réglé mutuellement par des conférences préliminaires entre les deux hautes puissances que la paix sera conclue sur le pied du statu quo présent, savoir que chaque partie restera en possession des pays, Chanats et territoires qui se trouvent maintenant entièrement en son pouvoir, la ligne suivante formera dès à présent et pour l'avenir la frontière entre l'Empire Russe et celui de Perse. Cette ligne * (Ce qui suit jusqu'à la fin de l'art. 2. manque dans le Journal de Francfort de 1818, mais a été ajouté dans celui de 1819) commence près la forêt Odina-Basara, traverse en droite ligne le désert Maganais, jusqu'à la digue d'Edibuluk près la rivière Arax, de là en montant le long de l'Arax jusqu'à l'endroit où la petite rivière Kapanaktchay y entre, et plus loin à la droite de la petite rivière Kapanaktchay jusqu'à la crête des montagnes de Migrin, et continue à s'étendre de là par les limites des Khanats Karabagh et Nakhitchevan sur la crête de montagnes de Alegas, jusqu'à la forêt Daraleges, où se touchent les limites des Khanats de Karabagh, Nakhitchevan, Erivan et d'une partie du cercle d'Elizavetpol, (lequel appartenait autrefois au Khanat de Ganschin); en suite de là par la limite qui sépare le Chanat d'Erivan, des terres du cercle d'Elisabethpol comme de celui de Schamschadit et de Kasach jusqu'à la forêt de Eschok-Meidan et de là sur les crêtes des montagnes en suivant à droite le cours de la petite rivière et de la route de Gimsatschiman le long de la crête de la montagne de Bambak jusqu'au coin de la limite de Schuragel ; de cet angle enfin jusqu'à la hauteur du mont glacial d'Alages, et de là le long de la crête des montagnes par la frontière de Schuragel, entre Mastaras et Artik jusqu'à la petite rivière de Arpatchay. Au reste, comme le territoire de Talich a passé pendant la guerre tantôt sous le pouvoir de l'une tantôt sous celui de l'autre Puissance, les limites de ce Khanat du côté de Sinsel et Ardabil seront, pour plus de certitude, réglées après la signature et la ratification du présent traité par des commissaires réciproquement nommés d'un accord commun, lesquels commissaires dresseront, sous la direction des commandants en chef des deux parties une description fidèle et détaillée des territoires et habitations, comme aussi des rivières, montagnes, lacs et forêts qui se trouvent jusqu'à l'époque présente dans la possession effective de l'une des deux parties; et alors il sera tiré une ligne de délimitation du Khanat de Talich sur la base de l'état de possession actuel, de sorte que chaque partie reste en possession de son territoire. De la même manière, si dans les limites ci-dessus tracées la ligne dépasserait en quelque point la possession actuelle de l'une ou de l'autre des deux parties, chaque partie obtiendra après examen des commissaires des deux hautes Puissances une indemnité proportionnelle sur la base de l'état de possession actuelle.

Art.III. S. M. le Schach, afin de prouver à S. M. l'Empereur de Russie la sincérité de ces intentions, reconnaît solennellement, tant pour lui que pour ses successeurs au trône de Perse, que les Khanats (gouvernements) ci-dessous appartiennent en propre à l'empire russe: le Khanat de Karabagh et de Gaus-Chin, qui sont maintenant réunis en une province sur le nom d'Elizavetpol , ainsi que les Khanats de Cheki, Chirvan , Derbent , Kubiu , Bakin et Talich avec les terres dépendantes qui se trouvent maintenant au pouvoir de la Russie; en outre tout le Daghestan, la Grusinie avec la province de Schuragel, Imirezie, Guriel, Mingrélie et Abchasie, de même que tous les territoires et fonds de terre qui sont situés entre la frontière qui vient d'être déterminée et la ligne du Caucase, avec les pays et les peuplades qui confinent à cette dernière et à la mer Caspienne.

Art. IV. S. M. l'Empereur de Russie, en témoignage de ses sentiments pour S. M. le Schach de Perse, et pour lui prouver son désir sincère de voir l'autocratie et l'autorité souveraine établies sur une base solide dans l'empire persan, voisin de la Russie, s'engage solennellement pour lui et ses successeurs, à prêter, en cas de besoin, secours à celui des fils du Schach de Perse, qu'il nommera héritier de l'empire Persan, afin qu'aucun ennemi étranger ne puisse se mêler des affaires de la Perse, et que la cour de Perse soit fortifiée par l'appui de la cour de Russie. Du reste, s'il s'élevait des différends entre les fils du Schach sur les affaires de l'empire persan, la Russie n'y prendra point part avant que le Schach régnant ne réclame son intervention.

Art. V. Les vaisseaux marchands russes auront, comme antérieurement, le droit de naviguer le long des côtes de la mer Caspienne et d'y aborder. En cas de naufrage, les persans leurs donneront amicalement du secours. Les bâtiments de commerce persans auront aussi comme auparavant le même droit de cabotage le long des côtes de la mer Caspienne et d'aborder sur le rivage russe; et en cas de naufrage, les Russes leur donneront toute l'assistance nécessaire. Quant aux vaisseaux de guerre, comme, avant la guerre, ainsi que durant la paix et dans tous les temps, le pavillon russe a seul flotté sur la mer Caspienne, il aura aussi maintenant sous ce rapport le même droit exclusif qu'auparavant, de manière qu'outre la puissance russe aucune autre ne puisse arborer un pavillon militaire sur la mer Caspienne.

Art. VI. Tous les prisonniers au pouvoir des deux parties, soit prisonniers de guerre, soit habitants enlevés à leurs foyers, qu'ils soient chrétiens ou de toute autre religion, seront rendus trois mois après la conclusion et la signature du présent traité, et il sera pourvu à leur entretien et frais de voyage jusqu'à Karaklis.

Art. VII. Outre les articles ci-dessus, L. M. l'Empereur de Russie et le Schach de Perse sont convenus que les ministres respectifs des deux cours, qui, en cas de besoin, auront été envoyés dans les résidences de L. M. seront reçus conformément à leur rang et à l'importance des missions dont ils seront chargés. Les agents ou consuls accrédités, suivant l'ancien usage, par L. M. dans les villes où elles le jugeront nécessaire pour la protection du commerce, et qui ne pourront avoir plus de 10 personnes à leur suite, seront considérés et honorés d'une manière conforme à leur rang en qualité de fonctionnaires accrédités; il sera donné des ordres, pour que non -seulement ils ne soient point insultés, mais encore pour que dans le cas où les sujets respectifs des deux puissances auraient quelques plaintes à faire, on procède, d'après leurs représentations, de la manière la plus impartiale, pour qu'il soit fait réparation entière à l'offensé.

Art. VIII. Quant à ce qui concerne les relations commerciales entre les sujets de L. M. qui sont munis de certificats de leur gouvernement ou des commands dans de frontières, qui attestent qu'ils sont réellement négociants et sujets russes ou persans, il leur sera permis de se rendre librement par terre et par mer dans les états des deux puissances contractantes, d'y demeurer, pour faire le commerce, aussi longtemps qu'ils le jugeront à propos, et de s'en retourner également sans éprouver de retard. Ils pourront vendre et échanger les marchandises importées de Russie en Perse, et réciproquement. En cas de décès d'un sujet russe venu en Perse ou domicilié dans cet état, sa fortune et les biens, tant meubles qu'immeubles, étant considérés comme des biens appartenant à des sujets d'une puissance amie, les premiers seront délivrés sans délai et sans recèlement, contre quittance, suivant les lois, à leurs associés ou à leurs parents; il sera permis à ceux-ci de vendre les premiers à qui bon leur semblera, à leur gré et à leur plus grand avantage, ainsi que cela se pratique dans tous les états civilisés, quelle que soit la puissance dont dépendent les intéressés.

Art. IX. Il ne sera pas levé plus de 5 pour cent de droits sur les marchandises introduites par des négociants russes dans les villes ou les ports de Perse, et ce droit ne sera perçu qu'une fois. La même chose aura lieu par réciprocité en Russie à l'égard des Persans.

Art. X. A l'arrivée des marchandises sur les côtes, dans les ports, ou dans les villes frontières des deux parties contractantes, il sera accordé toute la liberté possible aux marchands respectifs pour vendre ou échanger leurs marchandises, ou pour en acheter d'autres, sans qu'ils soient astreints à demander à cet effet une permission aux directeurs des douanes ou aux revendeurs (Vorkaüfern), leur devoir étant de veiller à ce que le commerce ait son libre cours.

Art. XI. Après la signature de ce traité, les plénipotentiaires des deux puissances en donneront respectivement sans délai connaissance partout où il appartiendra, et expédieront un ordre pour faire cesser par tout sur le champ les hostilités. Le présent traité de paix perpétuelle, en deux exemplaires semblables, accompagnés d'une traduction en langue persane, signé par les plénipotentiaires ci-dessus des deux puissances, muni de leurs cachets et mutuellement échangé, sera confirmé par l'Empereur de Russie et le Schah de Perse, et ratifié solennellement par la signature de L. M.

Les exemplaires ratifiés seront envoyés dans l'intervalle de trois mois par les deux cours à leurs plénipotentiaires.

Fait dans le camp russe sur le territoire de Karabagh

à Gülistan sur la rivière Seiwa, l’an de J. C 1813

le 12 Octobre, et suivant le calendrier persan, l'an

1228, le 20 du mois Schawal.

Le plénipotentiaire et commandant général en Grusinie – Nicolas Rtischtschew

Le plénipotentiaire du célèbre empire persan – Mirza Abdul Hassan Chan